La célèbre citation du "carpe diem" associée à l'humanisme et surtout à son épicurisme est extraite d'un vers d'Horace: CARPE DIEM QUAM MINIMUM CREDULA POSTERO Mets à profit le jour présent sans croire au lendemain (HORACE, liv. I, ode XI, v. 8).
L’HUMANISME
L'humanisme est défini aujourd'hui comme une “doctrine qui a pour objet le développement des qualités de l'homme” (Petit Larousse). En ce sens, toute philosophie dont la réflexion est centrée sur l'homme, sa situation dans l'univers, sa destinée, peut être appelée humaniste. Mais cette notion définit plus particulièrement le mouvement qui unit, au XVIe siècle, les « humanistes » des pays européens.
Origine et définition
Le mot “umanista” naît en Italie au XIVe siècle ; il désigne le professeur de grammaire et de rhétorique. Les humanistes du XVIe siècle ne sont plus forcément professeurs, mais cette origine indique bien la liaison entre l'acquisition du savoir, en particulier la connaissance des langues anciennes, et le courant philosophique qui prend le nom d'humanisme. En latin, litterae humaniores désigne « l'étude des lettres qui rend plus digne du nom d'homme ». Le mot humanisme est effectivement bâti sur le mot « homme » : il s'agit de tendre, grâce à l'effort de la raison vers un modèle de perfection humaine, dans tous les domaines, aussi bien dans celui de la morale, de la politique, des arts. Comment y parvenir ? En méditant sur la sagesse antique, ce qui suppose de redécouvrir l’ensemble de la littérature gréco-latine, et, pour cela, de réformer l’enseignement. Ce mouvement touche donc les intellectuels du temps, mais aussi, à travers l'enseignement dont les humanistes se soucient, l'élite cultivée qui fréquente les collèges.
Une dimension européenne
Dès le XIVe siècle, en Italie, Pétrarque puis d'autres érudits exhument des manuscrits anciens, traduisent en latin les textes grecs, et cherchent à égaler le talent des auteurs latins dans la langue italienne de leur temps ; ils composent surtout des lexiques qui rendent les textes lisibles et utilisables par un public plus vaste. Sous Louis XI, des contacts ont lieu entre savants italiens et français, parce que les échanges intellectuels suivent les échanges économiques, les artisans et les banquiers italiens s'installent en France, à Lyon en particulier et c'est avec eux tout l'esprit de la Renaissance italienne qui pénètre dans notre pays. Sous Charles VIII et Louis XII, lors des campagnes d'Italie, les armées françaises découvrent ce qui jusque-là était la passion d'une élite : la France s'ouvre au mode de vie et de pensée italiens. Les voyages des professeurs et des étudiants d'université en université et, surtout, la diffusion des livres et des manuels d'enseignement achèvent de diffuser l'humanisme en Europe.
Un souffle nouveau
La résurrection des textes anciens L'industrie de l'imprimerie, née à Mayence en 1448 avec Gutenberg, s'installe à Paris en 1470, à Lyon en 1473. Vers 1500, quarante villes françaises possèdent une « librairie », c'est-à-dire un endroit où on édite, on imprime et on vend des livres. La réflexion philologique, qui s'intéresse au fonctionnement de la langue, grecque, latine, hébraïque, se développe. De nombreux dictionnaires et ouvrages de grammaire sont publiés ; on commente aussi, on traduit ou on adapte des textes anciens, dans les domaines littéraires, juridiques, scientifiques.
Une réflexion pédagogique originale L'érudition n'est pas une fin en soi. Acquérir le savoir, c'est chercher à faire progresser l'homme, à l'amener de l'état d'enfance à l'état de culture, seul digne de l'homme. C'est pourquoi la réflexion pédagogique tient tant de place dans les écrits humanistes : Erasme, en 1529, dans l'Éloge de la folie, Rabelais, en 1532, dans Panlagruel, Montaigne, en 1585, dans ses Essais, reprennent chacun à leur tour les principes pédagogiques humanistes : au lieu de ne compter que sur la mémoire et les qualités de répétition, il faut faire progresser l'élève à son rythme, par le dialogue avec le maître. II faut respecter un équilibre entre disciplines intellectuelles (langues, sciences, musique), physiques (jeux, sports, danse), morales et sociales (religion, règles de la vie sociale). Pour former l'homme nouveau, les humanistes réforment les collèges (enseignement secondaire et universitaire). A Paris se crée le Collège des lecteurs royaux, qui deviendra le Collège de France : on y enseigne le grec, le latin, l'hébreu, la philosophie, les mathématiques, de façon toute nouvelle par rapport à l'enseignement sclérosé de la Sorbonne, qui n'éveillait pas l'esprit critique. D'ailleurs, la Sorbonne tâche de s'opposer aux humanistes mais le nom même de Collège des lecteurs royaux indique que le roi favorise ce nouvel enseignement contre l'esprit de la Sorbonne.
Une théologie optimiste et critique Les humanistes croient fondamentalement au progrès de l'homme ; en cela, ils sont profondément optimistes. Ils méditent sur la littérature antique pour y découvrir les valeurs morales et intellectuelles anciennes et les adapter au monde nouveau ; car ils sont engagés dans le monde et veulent agir sur lui. Bien que lisant des textes anciens païens, ils ne se sentent pas en contradiction avec le catholicisme : Socrate, Platon, Sénèque sont pour eux autant de philosophes qui ont préparé la venue du Christ. Mais les autorités catholiques acceptent mal leurs positions. Une des raisons de l'opposition entre les humanistes et la Sorbonne tient à leur méthode de travail : les humanistes appliquent aux textes profanes comme aux textes sacrés les mêmes méthodes nouvelles d'établissement du texte, de traduction, de réflexion, de commentaire. Ils soumettent donc les textes bibliques au même examen critique que les autres oeuvres philosophiques, ce qui paraît sacrilège aux esprits traditionnels de la Sorbonne. Les théologiens réformés s'opposeront eux aussi à la philosophie humaniste : leur vision pessimiste de l'homme et leur méfiance envers les textes profanes de l'Antiquité expliquent cette opposition. Ainsi les humanistes sont en butte aux attaques de la Sorbonne sans pour autant être d'accord avec la vision protestante du monde.
Des réformes politiques mesurées Les humanistes sont pacifistes, parce qu'ils ont un esprit cosmopolite, dû aux échanges intellectuels et aux voyages qu'ils font à travers l'Europe, mais dû aussi à leur optimisme : leur foi dans les progrès de l'homme leur fait préférer des réformes de l'intérieur aux affrontements, aux ruptures, aux bouleversements sociaux. Ils sont donc réformateurs et non révolutionnaires. En 1511, Érasme, qui est un des conseillers de Charles Quint, écrit l'Éloge de la folie, en 1516, Thomas More, chancelier d'Henri VIII, rédige L'Utopie, en 1534, Rabelais compose Gargantua, trois oeuvres parmi d'autres qui exposent une leçon de gouvernement ou décrivent une société idéale.
Les grands traits de l'humanisme sont donc le souci d’une culture apprise à la source, les recherches pédagogiques, la volonté de réforme sans rupture brutale, le désir d'équilibre des pouvoirs dans la société, le pacifisme, le cosmopolitisme. Tous ces aspects, l'optimisme en moins, se retrouveront encore chez Montaigne, l’un des derniers représentants de cet esprit à la fin du XVIe siècle.
La Pléiade (ou la Brigade)
Ronsard ne se doutait probablement pas de la fortune que connaîtrait le mot qu'un jour de 1556 il employa pour parler de lui-même et de six de ses compagnons : la Pléiade [1]. Jamais en effet il ne désigna par ce terme de groupement constitué, mais tout au plus une association idéale, ce qu'il considérait comme l'élite de la Brigade, les poètes avec qui il se sentait le plus d'affinités. Liste d'ailleurs variable. En 1556, elle se composait de Joachim du Bellay, Jodelle, Baïf, Peletier, Belleau, Pontus, et bien entendu Ronsard lui-même. C'est dire qu'au sens strict, la Pléiade ne comprend qu'une petite partie de la magnifique floraison poétique de ces années 1550-1560 : « Derrière les Sept pensons à l'armée des sous-officiers et simples soldats qui travaillèrent à renouveler la poésie française » (R. Lebègue). Brigade ou Pléiade, les amis de Ronsard et leurs idées triomphent donc à la cour. Leur poésie, si elle apprit peu à peu à se plier aux circonstances, à se faire aimable, voire flatteuse, resta toujours savante et exigeante. Ronsard fut le maître incontesté de cette période, et sa gloire s'étendit jusqu'aux confins de l'Europe. Et en vérité, même si par la suite elle fut méprisée et oubliée[2], la Pléiade n'en reste pas moins l'un des plus importants mouvements poétiques français, non seulement par ses créations souvent admirables, mais par l'influence qu'elle a exercée sur ceux-là mêmes qui l'ignoraient. Qu'on le déplore ou qu'on s'en félicite, c'est à la Pléiade qu'on doit la prééminence accordée aux Anciens par la littérature française classique. C'est cette conception des choses qui inspire la théorie de l'imitation chère à Ronsard et à ses amis. Imitation moins servile qu'on ne l'a dit, et qui ne fut nullement un plat décalque de textes plagiés. Au demeurant, l'imitation ne constituait qu'un élément de la création poétique, l'autre étant la nécessaire inspiration, l'enthousiasme créateur, « fureur » peu conciliable avec une docilité excessive, « et sans laquelle toute doctrine leur [aux poètes] serait manque [infirme, insuffisante] et inutile » (Du Bellay). D'autre part, les poètes de Coqueret et leurs amis ont fait de Pétrarque[3] un maître au même titre qu'Horace ou que Virgile. D'un point de vue formel, l'influence de la Pléiade a été plus féconde et plus durable encore. C'est à elle qu'on doit sinon l'introduction du sonnet en France, du moins sa pratique et sa vogue. Il faudrait en outre citer à peu près toutes les formes strophiques et prosodiques utilisées par les classiques et les romantiques. C'est Ronsard qui établit l'alexandrin comme vers héroïque. C'est lui enfin qui, toujours soucieux de la qualité musicale du vers, attire l'attention de ses pairs sur l'importance et les ressources des jeux de rimes, moins stériles qu'il ne semble. On ne saurait trop insister sur la richesse d'un mouvement qui plaça l'essentiel de son ambition non pas dans la quête d'une notoriété éphémère, mais dans celle de la gloire, de l'immortalité : Espère le fruit de ton labeur de l'incorruptible et non envieuse postérité : c'est la gloire, seule échelle par les degrés de laquelle les mortels d'un pied léger montent au ciel, et se font compagnons des dieux (du Bellay).
Situations
La gloire. Pour un nombre appréciable d'entre eux, Ronsard et du Bellay en tête, ces poètes étaient des hommes d'une condition insolite. Il était arrivé à de grands seigneurs de rimer - l'exemple de Charles d'Orléans n'était pas si éloigné -, mais la poésie ne constituait qu'une partie de leur vie. Il y avait eu des rimeurs à gages, comme les Rhétoriqueurs, bourgeois placés sous la tutelle d'un patron puissant. Il y avait eu des poètes fortunés, libres de leurs faits et gestes, à l'abri du besoin grâce à de confortables revenus : pensons à Scève ou à la Belle Cordière. Les hommes de la Pléiade n'étaient en général pas assez riches pour se passer de protecteurs, quitte à les chercher dans leur famille comme du Bellay patronné par son cousin le cardinal. Cela impliquait-il nécessairement un retour à la condition sociale des Rhétoriqueurs? En partie seulement. Ronsard et du Bellay étaient, en effet, d'authentiques gentilshommes à qui il fallut plus d'une fois se défendre - et d'abord contre eux-mêmes peut-être - de l'accusation de dérogeance : Je me suis volontiers appliqué à notre poésie : excité et de mon propre naturel, et par l'exemple de plusieurs gentils esprits français, même de ma profession, qui ne dédaignent point manier et l'épée et la plume, contre la fausse persuasion de ceux qui pensent tel exercice de lettres déroger à l'état de noblesse (du Bellay).
Évolution des temps et des moeurs. La gloire que leurs ancêtres avaient cherchée sur les champs de bataille, c'est la plume à la main qu'ils entendaient la conquérir. Et qu'ils y parvinrent.
Extrait de l'Histoire de la littérature française Du Moyen Age au XVIIIe siècle. Bordas 1972.
[1] La constellation de la Pléiade donna son nom, dans l'Antiquité, à un groupe de sept poètes d'Alexandrie. [2] On connaît les sarcasmes de Boileau : Ronsard qui le [Marot] suivit, par une autre méthode/ Réglant tout, brouilla tout, fit un art à sa mode... [3]Francesco Petrarca[1] , en français Pétrarque (Arezzo, 20juillet1304 - Arquà[], 19juillet1374) était un érudit, un poète et un humanisteitalien. Avec Dante, Alighieri et Boccaccio, il compte parmi les géants de la littérature italienne. Plus que Dante avec Béatrice, Pétrarque est passé à la postérité pour la perfection de sa poésie qui rime avec son amour pour Laure. Pour beaucoup, l'ensemble de sa gloire, l'essentiel de sa renommée, la portée de son influence, tant stylistique que linguistique, tiennent uniquement à un volume, son immortel Canzoniere.
Consulter le site: http://humanus.skyrock.com/2.html